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La communauté trans et les banques au Canada : un appel à la réforme
Lecture de 6 minutes
Écrit par
Laura Inostroza
En résumé
Les institutions financières ajoutent souvent une couche de complications pour les transgenres qui prennent déjà une décision importante dans leur vie.
Par exemple, il en coûte 137 $ pour changer légalement de nom au Canada, ce qui peut représenter un coût exorbitant pour ceux qui vivent d'un chèque de paie à l'autre.
Changer de nom signifie également que vous devrez soit abandonner l'historique de crédit sous le nom qui vous a été attribué, soit donner aux créanciers l'accès à des informations privées sur votre identité.
Face à ces obstacles, beaucoup ont adhéré à des entreprises de technologie financière aux politiques plus souples. Mais il reste encore de la place pour que notre écosystème financier puisse mieux soutenir notre communauté trans.
Que contient un nom?
Si vous avez déjà changé votre nom légal au Canada, vous savez que la procédure coûte 137 $. Pourquoi changer son nom légal? Dans la plupart des cas, une personne cisgenre doit le faire après un mariage ou un divorce. Pour une personne transgenre, cependant, il s'agit souvent de la première étape pour qu'elle se sente à l'aise et validée dans son existence.
Le terme cisgenre, ou simplement cis, désigne une personne dont l'identité de genre correspond au sexe qui lui a été assigné à la naissance. Si vous êtes une personne cisgenre et hétérosexuelle, vous représentez 96 % de la population du Canada. Cependant, on estime que 75 000 Canadiens âgés de 15 ans et plus, soit 0,24 %, sont transgenres. Ce chiffre comprend toutes les personnes dont le sexe assigné à la naissance diffère de leur sexe actuel, y compris les personnes non binaires ou celles dont le sexe ne correspond pas au schéma binaire homme/femme.
« Ce n’est pas la même chose que de changer votre nom de famille lorsque vous vous mariez. Curieusement, il y a un ensemble de règles distinctes qui s’appliquent lorsque vous changez votre nom dans le cadre d’un mariage ou lorsque vous changez votre nom pour toute autre raison. Et c’est plus difficile dans ce dernier cas », explique Rodrigo Heng-Lehtinen, directeur exécutif adjoint du National Center for Transgender Equality.
Des frais de 137 $ pour effectuer un changement légal afin d'afficher votre vrai nom sur vos cartes bancaires peuvent représenter un coût exorbitant pour les personnes vivant d'un chèque de paie à l'autre. Un groupe qui comprend en grande majorité des personnes trans et non binaires. Après tout, il n'est malheureusement que trop courant de perdre son travail après une transition. 13 % des personnes interrogées dans le cadre de l'enquête Trans PULSE ont déclaré avoir été licenciées parce qu'elles étaient trans et seulement 37 % des personnes trans interrogées occupaient un emploi à temps plein. Ajoutez à cela le fait que la moitié de la population transgenre a obtenu un salaire de 15 000 $ ou moins par année entre 2009 et 2010. Après ajustement pour tenir compte de l'inflation, ce montant n'est encore que de 18 142,24 $, ce qui est inférieur au seuil de pauvreté officiel du Canada pour 2015.
Cette triste réalité signifie que certains des membres les plus vulnérables de notre population doivent souvent emprunter de l’argent pour changer de nom, que ce soit auprès d’amis, de leur pension d’invalidité, de l’aide sociale ou de l’assurance-emploi. « J’ai envoyé de l’argent à des amis trans juste pour un changement de nom », dit Kat, une femme trans vivant à Ottawa.
Vous pouvez compter sur la bureaucratie
Bien que le processus de transition ne commence pas comme un processus bureaucratique, il finit souvent là où les nombreux changements font boule de neige. « Vous devez changer votre nom sur tous vos comptes financiers en même temps, sinon votre argent est bloqué », explique Robin, une autre femme trans de Toronto. Pour des gens comme Robin, cela peut signifier changer votre nom avec plusieurs organisations. « Pour moi, cela comprenait un compte crypto, CIBC, Wealthsimple et KOHO », a-t-elle confirmé.
Des préoccupations peuvent également être soulevées pour les résidents trans à qui on demande de payer un loyer par chèque. Par exemple, Robin craignait que les chèques qu’elle remettrait à son propriétaire ne correspondent pas au nom figurant sur son bail, « mais heureusement, le moment était venu et j’ai pu changer mon nom [dans mon compte bancaire] juste avant de les commander. »
L’abandon des chèques et des autres services bancaires en format papier est certainement une façon d’améliorer la situation. Cependant, de nombreux propriétaires préfèrent la garantie qu’offre un chèque et ne veulent pas passer à un moyen comme le virement électronique, qui donne plus de pouvoir au locataire.
« Des frais de 137 $ pour effectuer un changement légal afin d'afficher votre vrai nom sur vos cartes bancaires peuvent représenter un coût exorbitant pour les personnes vivant d'un chèque de paie à l'autre. Un groupe qui comprend en grande majorité des personnes trans et non binaires »
Comment la révolution bancaire pourrait aider la communauté transgenre
L'écosystème des applications pair à pair au Canada a besoin d'innovation et risque d'être perturbé. Aux États-Unis, des entreprises telles que Venmo, filiale de Paypal, et le Cash App de Stripe ont commencé à dominer l'espace pair à pair, devenant même le principal compte financier de certains utilisateurs. Par conséquent, certains propriétaires acceptent les paiements de loyer par le biais de ces méthodes. Cela pourrait provenir du fait que les utilisateurs se sentent en sécurité avec ces applications et pensent pouvoir récupérer les fonds envoyés à la mauvaise personne. Mais en réalité, ces applications ont très peu de recours pour s'assurer que les paiements sont effectués à la bonne personne. Les réclamations pour récupérer votre argent sont souvent couvertes par l’entreprise de l'application elle-même ou carrément rejetées, ce qui ne les rend pas moins sécuritaires que les échanges d'argent comptant.
Au Canada, nous disposons d'un réseau similaire d'échange d'argent pair à pair avec les virements électroniques d'Interacᴹᴰ, mais dans notre cas, ils sont connectés à l'écosystème financier existant. La plupart des Canadiens considèrent Interac comme une extension de l'offre de leur banque et tiennent cette dernière responsable de tout problème lié à ces virements, plutôt qu'Interac elle-même. Ce réseau pair à pair vital étant rattaché aux banques existantes, les communautés telles que les personnes trans sont continuellement marginalisées.
Il est presque facile de conclure qu'une application de paiement indépendante des banques, qui permet d'envoyer des paiements de manière fiable sous son vrai nom, se porterait plutôt bien au Canada.
Le fait que l'écosystème financier archaïque ne les serve pas bien peut expliquer pourquoi les gens adhèrent aux entreprises de technologie financière. Celles-ci acceptent souvent des documents numériques pour s'inscrire, plutôt qu'une visite physique. Par exemple, les résidents américains ont accès à l'application Daylight. Spécifiquement conçue pour la communauté LGBTQIA2S+, cette entreprise de technologie financière imprime le nom choisi par l'utilisateur, plutôt qu'un nom légal, sur sa carte. Plus au nord, nous avons KOHO, qui travaille à imprimer le nom choisi par l'utilisateur sur sa Mastercardᴹᴰ prépayée. Avec un pourcentage important de 13 % de la population canadienne appartenant à la communauté LGBTQ+, nous devons nous efforcer de concevoir des expériences financières adaptées à leurs besoins et à leurs préférences.
Vérifications de crédit sans stress
Une autre qualité attrayante des services financiers émergents est que vous pouvez vous inscrire sans avoir à vous soumettre à une vérification de crédit officielle. C’est important, car si vous êtes une personne trans et que vous changez légalement de nom, vous devrez soit laisser tomber les antécédents de crédit que vous avez établis sous le nom qui vous a été attribué, soit donner à chaque créancier accès à des renseignements personnels sur votre identité. « J’ai demandé que [mon nom précédent] soit retiré, mais cela cause un mal de tête avec la paperasse, c’est comme si je n’avais pas existé avant 2016 », affirme Cam, un homme trans dont la transition a été officialisée la même année.
Cela peut créer des problèmes pour les gens qui cherchent à emprunter de l’argent dans un contexte qui efface les antécédents de crédit, mais qui ne couvre pas beaucoup de chirurgies de confirmation du sexe dans le cadre des régimes provinciaux de soins de santé. La chirurgie de haut niveau est une intervention que l’Assurance-santé de l’Ontario couvre pour les Ontariens, mais la liste d’attente est actuellement de deux ans, ce qui pousse de nombreuses personnes à payer 8000 $ de leur poche. D’autres interventions, comme les chirurgies de féminisation faciale, ne sont couvertes par aucun régime et peuvent coûter entre 20 000 $ et 50 000 $, selon le chirurgien et le nombre d’interventions effectuées. Kat a déclaré que « si une banque avait une politique de « prêt pour chirurgie trans », je passerais [à elle] ».
Des conseils sur lesquels vous pouvez compter
Si vous êtes une personne queer à la recherche de conseils financiers, il peut être difficile de trouver des conseils adaptés à vos besoins qui prennent en compte les charges financières auxquelles vous pouvez être confronté. Heureusement, nous avons des pionniers comme Gabe Dunn, qui a écrit son livre Bad With Money : The Imperfect Art of Getting Your Financial Sh*t Together, par intermédiaire d'un point de vue queer. Les Debt Free Guys font également un balado intitulé Queer Money, avec des épisodes comme The Economics of Being Trans. Le balado Nancy de WNYC Studios a présenté une saison complète de balados intitulée Queer Money Matters, couvrant une série de sujets informatifs. Au Québec, le balado du GRIS vous informe aussi sur la communauté LBGTQ+.
La communauté transgenre connaît bien les nombreux obstacles qu'elle doit souvent franchir pour accomplir des tâches quotidiennes, comme s'inscrire à une nouvelle carte de crédit ou fournir des chèques comme mode de paiement. Cependant, en tant que Canadiens cis, nous ferions bien de nous informer sur les façons dont nous pouvons aider la communauté trans. Nous appelons donc tous les jeunes créateurs d'applications entreprenants prêts pour un nouveau projet, ou les législateurs et législatrices cherchant à trouver une cause à soutenir. Créons un paysage bancaire et juridique qui soutient mieux nos voisins transgenres, en commençant par démocratiser les changements de nom et les vérifications de solvabilité. Parce que tout monde mérite d'être en contrôle de son identité et de ses finances, point final.
À propos de l'auteur
En tant que personne « queer » travaillant dans les technologies, Laura fait preuve d'empathie et de psychologie dans ses activités de spécialiste du soutien. Adoptant le rôle de leader d'opinion, Laura œuvre en faveur de l'accessibilité et se passionne pour la diversité, l'équité et l'inclusion.
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